Que retenir du rapport de l’IGAS ?

M. Olivier Veran, alors ministre de la Santé, a missionné l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – pour faire l' »Evaluation de la procédure d’agrément et des capacités d’accueil des établissements de formation en ostéopathie et en chiropraxie et propositions d’évolution« , à la suite des déconvenues de la campagne d’agrément des centre de formation en ostéopathie pour la rentrée 2021-2022.

Le rapport de mission rédigé par Mesdames Claude GADY-CHERRIER et Françoise ZANTMAN, inspectrices de l’IGAS, trace un portrait sans concession des problématiques de l’enseignement, de la démographie et de l’encadrement de l’ostéopathie, malheureusement conformes aux constats de l’AFO.

Rappelons que l’AFO prône l’intégration de l’ostéopathie au système de santé et essaie en vain de réunir les associations socio-professionnelles d’ostéopathes autour de cet objectif, depuis 2016 et même bien antérieurement, mais force est de constater que ces dernières préfèrent soit rester en dehors du champ de la santé, soit rester attentistes.

Les recommandations et les conclusions du rapport de l’IGAS amènent l’AFO à proposer encore une fois aux associations socio-professionnelles à se solidariser instamment pour fonder les bases d’une structure unique représentative, qui soit une force de proposition forte et engagée, afin de protéger notre profession et afin de rester maîtres des modifications des textes réglementaires, notamment si l’intégration dans le Code de la santé publique se profilait…

La mission présente ses conclusions dans la synthèse d’introduction de son rapport. De ces observations, elle préconise près d’une trentaine d’actions à mener à plus ou moins court terme (certaines auraient dû être mises en place dès 2022) pour réorganiser la formation et restructurer la profession d’ostéopathie.

Si l’AFO est satisfaite de certaines recommandations comme celle d’universitariser la formation en ostéopathie, de réorganiser différemment la CCNA en  prenant le temps de former les membres de cette commission à la compréhension des dossiers de candidature, ou de mettre en place des contrôles externalisés des écoles et des projets de validations scientifiques pendant le cursus, nous les rejoignons sur le fait que les ARS n’ont pas les outils et sans doute pas les agents formés à l’encadrement des écoles.

Nous espérons un retour rapide à cet énième appel auprès des autres organisations socio-professionnelles, pour défendre d’une seule voix une profession de première intention, adossée à la science, et intégrée au parcours de soins.

 

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En voici quelques extraits sur lesquels nous devrions nous concerter et concentrer :

Concernant la profession d’ostéopathe

[4] La France se singularise depuis deux décennies par une démographie très dynamique des ostéopathes qui la place au premier rang mondial en termes de densité et de progression. On peut estimer à 15 000 le nombre d’ostéopathes exclusifs. Une estimation haute évalue à 10 000 le nombre de professionnels de santé réalisant des actes d’ostéopathie, majoritairement de masseurs-kinésithérapeutes.

[7] L’étude des rémunérations des ostéopathes exclusifs témoigne de revenus modestes, inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) pour la moitié d’entre eux.

[9] En France l’ostéopathie est la médecine complémentaire la plus répandue. La situation particulière de ces professionnels, en accès direct pour la population, issus de formations hétérogènes qui partagent un même titre entretient une confusion qui nuit à l’information des usagers. La place de ces professionnels dans le système de santé est un enjeu majeur pour une profession en évolution dans un contexte de restructuration de l’offre de soins.

[85] En France, l’ostéopathie est une pratique, très appréciée par la population, qui s’est démocratisée. L’ostéopathie est la médecine complémentaire la plus populaire en France. Trois français sur cinq ont déjà consulté un ostéopathe. La grande majorité des patients (78 %) découvrent l’ostéopathie par le « bouche à oreille » et le motif de consultation dans plus de sept cas sur dix (72 %) est la douleur articulaire ou musculaire.

[90] Plusieurs interlocuteurs de la mission ont insisté sur la faiblesse du niveau de preuve de l’efficacité de ces pratiques, en particulier de l’ostéopathie et de la chiropraxie, du fait de la rareté de publications à haut niveau de preuve scientifique. Certains attribuent ce déficit au fait que les études ne soient pas réalisées dans des hôpitaux universitaires, lieu principal de la recherche clinique.

[91] … la HAS n’a pas produit de recommandations générales tenant à la place de l’ostéopathie.

[98] La gravité des accidents relatés justifie d’organiser le recueil des déclarations des victimes de complications graves et d’en tenir un registre.

[191] Nécessaire à la reconnaissance de pratiques professionnelles fondées sur des bases scientifiques (Evidence Based Practice), les méthodes de la recherche doivent être présentes dans la formation des ostéopathes.

[195] L’enjeu est particulièrement important puisqu’il donne accès aux futurs professionnels formés dans ces structures à un exercice autonome, qui peut se réaliser en libéral mais qui cherche aussi à s’insérer dans une prise en charge coordonnée des soins dans le cadre du parcours patient, en ville comme à l’hôpital. Ainsi, certains ostéopathes exercent au sein de maisons de santé pluridisciplinaires. De telles collaborations, entre médecins généralistes et ostéopathes, existent aussi en dehors de toute organisation structurée.

Concernant la formation de l’ostéopathie

[19] L’agrément des écoles de formation, délivré par le Ministre en charge de la santé, doit garantir la qualité de la formation. Afin d’assurer cet engagement, la mission considère comme prioritaire le contrôle des contenus des enseignements dispensés et l’ouverture de son fonctionnement à des regards extérieurs. Elle alerte sur les dérives possibles au sein de certaines écoles au fonctionnement très internalisé, avec des enseignements doctrinaires, excluant la collaboration avec les autres professionnels.

[21] La mission soutient un scénario de renforcement de la procédure d’agrément parallèlement à une évolution réglementaire du dispositif de formation et de validation du diplôme, sans exclure d’autres scénarii inspirés pour certains de comparaisons internationales. Ainsi, afin de garantir la qualité des diplômes délivrés, le cursus de formation pourrait être sanctionné par la validation d’un examen final dont le jury comporterait des membres extérieurs à l’école.

[117] … Le choix fait par la loi Kouchner de 2002 de ne pas reconnaitre les ostéopathes et les chiropracteurs comme professionnels de santé n’exclut pas toute intervention ultérieure du législateur et toute possibilité de régulation des capacités de formation.

[149] Le titre II du décret de septembre 2014121 tenant à l’agrément des écoles précise, dans ses articles 10 à 25, les conditions relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement. Le directeur doit justifier du titre d’ostéopathe et être titulaire d’un titre universitaire de niveau I en management ou d’une expérience d’au moins 5 ans en management. Il est assisté dans ses fonctions d’un conseil scientifique, d’un conseil pédagogique et d’une commission de validation des unités de formation et des compétences professionnelles.

[165] Force est de constater que la déclinaison de ce référentiel de formation n’est pas mise en oeuvre de manière systématique dans l’ensemble des écoles de formation. Pour partie d’entre elles, on peut constater des non conformités aux exigences requises, voire, comme la mission a pu le constater à la lecture des rapports d’inspection réalisés par deux ARS ou lors de ses visites sur site, des écarts et des non conformités. Quelques exemples sont illustratifs de ces constats : « insuffisances de volumes horaires d’enseignement assurés parfois par des enseignants non qualifiés (professeur d’histoire/géographie qui enseigne l’anatomie), manque de traçabilité des évaluations dans les documents de suivi pédagogique des étudiants, absence de coordination des promotions, enseignements non conformes aux données actuelles de la science (anatomie crânienne), insuffisance des pratiques cliniques et stages externes très disparates tant dans leur contenu que leur organisation dont la pertinence reste à valider. Confier la présidence du conseil pédagogique à une personne extérieure qualifiée permettrait de limiter les écarts.

[185] La mission a pu constater des pratiques très différentes d’une école à l’autre, variant d’une formalisation très précise des résultats et des acquis professionnels à une formalisation sommaire dans les outils de suivi. Ces exemples illustrent la liberté prise par certaines écoles qui, en l’absence de tout contrôle, s’écartent des attendus en matière de contenu et de déroulement de la formation et de pratiques pédagogiques. Il semble incontournable que l’équipe pédagogique formalise un suivi des résultats de validation des acquis.

[192] La mission pose in fine le constat, qu’alors que les écoles d’ostéopathie et de chiropraxie relèvent de l’enseignement supérieur privé, et sont agréées par le Ministre en charge de la santé en application de textes conjoints avec l’enseignement supérieur, et que l’installation de ces professionnels est soumise à validation des ARS, la procédure actuelle n’est pas en mesure de garantir que ces professionnels soient correctement formés à leur exercice, dans le respect de leur champ de compétence et des connaissances actuelles de la science. Aussi, afin de répondre à la lettre de mission, elle propose de faire évoluer le processus actuel afin de le sécuriser sans en modifier fondamentalement la structuration.

[204] Le dossier d’agrément comporte 63 critères, chacun devant être étayé par une liste de pièces, qui mériteraient d’être précisées par des données qualitatives en regard de l’enseignement dispensé afin de mieux appréhender la qualité de la formation (annexe 5). Ce dossier devrait être complété par un engagement de l’établissement à dispenser un enseignement conforme aux données acquises de la science et non emprunt des théories originelles qui ont construit les métiers.

[206] Une attention particulière doit être portée à la formation pratique que ce soit pour l’organisation des cliniques internes de l’établissement, notamment sur le nombre de consultants en rapport avec le nombre d’étudiants accueillis, permettant ainsi de répondre aux attendus de la règlementation c’est-à-dire la réalisation des 150 consultations ; ou bien pour la réalisation des stages extérieurs. Les conventions de stage formalisent des objectifs pour l’étudiant et le tuteur identiques quel que soit le lieu de stage, il conviendra de décliner ces objectifs suivant la spécialité et
les ressources proposées par le stage.

[207] … Des interventions sur la collaboration interprofessionnelle doivent figurer dans les enseignements afin de mieux cerner la place de l’ostéopathe et du chiropracteur dans l’écosystème du soin.

[211] L’université pourrait apporter une plus-value en participant aux enseignements délivrés par l’école de formation. Une convention préciserait les conditions dans lesquelles l’université contribuerait à cet enseignement. Il faudrait envisager un modèle type définissant précisément le cadre de ces conventions avec l’université sur des thèmes prédéfinis nationalement (enseignement des matières fondamentales, stages hospitaliers, recherche, encadrement des mémoires, participation aux jurys d’examens…)

Concernant l’organisation des agréments des écoles de formation

[137] Trois éléments du dossier d’agrément concentrent les difficultés d’appréciation de la commission. II s’agit de la qualification des personnels enseignants et de leur temps de présence dans l’école, de l’assurance de locaux d’une surface suffisante pour dispenser la formation eu égard au nombre d’étudiants accueillis et de la crédibilité de la capacité déclarée d’un établissement à proposer à ses étudiants le nombre d’heures de formation de pratique clinique requis.

[208] Depuis la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST)133 de 2009, les écoles d’ostéopathie et de chiropraxie sont soumises au contrôle des ARS et de l’IGAS134. Un programme de contrôle de ces écoles serait de nature à installer de façon pérenne une vérification du respect des textes réglementaires en vigueur et à renforcer la connaissance des écoles et prévenir des dysfonctionnements.

Concernant une éventuelle modification de la loi

[235] Depuis 2009, les écoles de formation des ostéopathes et chiropracteurs sont mentionnés au titre VIII du livre III du code de la santé publique141. Les dispositions appliquées aux assistants dentaires pourraient être transposées en codifiant l’article 75 de la loi de 2002 dans le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique qui concerne les auxiliaires médicaux et autres professions de santé hors professions médicales et de la pharmacie. Ils pourraient ainsi faire l’objet d’une nouvelle codification au titre IX du livre III, sans changer leur mode d’exercice ni les principes qui régissent leurs établissements privés de formation. Cependant, le législateur pourrait introduire dans ce nouveau chapitre des éléments touchant aux champ d’activité, aux modalités de la formation, au référentiel de compétences ainsi qu’aux modalités de délivrance du titre. Cette reconnaissance des ostéopathes et de chiropracteurs comme professionnels de santé au titre IX pourrait s’accompagner d’un adossement à l’université afin de garantir la qualité de la formation. Un investissement dans la recherche, très peu présente à ce jour dans les écoles, serait également nécessaire.

[237] La situation créée par la loi de 2002 n’est plus tenable en l’état, au vu d’une démographie incontrôlable, de l’absence d’estimation des besoins de santé, d’exigences de formation insuffisamment vérifiées et contrôlées et d’une paupérisation des nouveaux diplômés en ostéopathie.
Le renforcement de la procédure d’agrément associé à la mise en place d’un examen final comportant des jurés extérieurs est indispensable et doit être engagé sans délai. Toutefois, ces mesures ne permettront pas à elles seules de sécuriser la qualité des pratiques et de réguler la démographie. Une modification des conditions de délivrance du titre permettrait de sécuriser l’exercice et d’agir à moyen terme sur la démographie de ces professionnels. Sans aucunement transformer les ostéopathes ou les chiropracteurs en professions de santé au sens usuel, sans prise en charge des pratiques par l’assurance maladie obligatoire, l’intégration de ces professionnels dans le code de santé publique, selon les dispositions décrites, présenterait l’avantage de garantir la qualité de la formation en facilitant son adossement à l’université. Elle légitimerait en outre les interventions des opérateurs publics (DREES, ONIAM …) mentionnés dans ce rapport. La période de cinq ans, ouverte en 2021, entre deux campagnes d’agrément est une opportunité pour engager ces chantiers, parallèlement à celui de l’évaluation des pratiques.